Nous vous partageons ci-dessous la lettre ouverte de François Desmeules, membre du Conseil d’administration de l’AQP, professeur agrégé et responsable des programmes de physiothérapie avancée en neuro-musculosquelettique à l’École de réadaptation de Faculté de médecine de l’Université de Montréal, sur l’absence de l’expertise de la physiothérapie dans le détail de la mise en œuvre du plan d’action.
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Le gouvernement a présenté la semaine dernière un nouveau plan pour réformer le système de santé. Bien que le Plan pour mettre en œuvre les changements nécessaires en santé présente des idées pertinentes pour améliorer l’accès et la qualité des soins des Québécois et Québécoises, il est surprenant de constater l’absence de l’expertise de la physiothérapie dans le détail de la mise en œuvre du plan d’action.
Un point pertinent présenté dans ce rapport est le décloisonnement des différents professionnels de la santé dans le réseau. En d’autres termes, on veut promouvoir l’utilisation accrue des professionnels de la santé en leur donnant une autonomie clinique augmentée pour prendre en charge des patients sans l’intervention préalable d’un médecin.
Le plan fait clairement une place accrue aux infirmières praticiennes spécialisées, aux pharmaciens, et aussi, de façon plus novatrice, à des ambulanciers paramédics. Mais où sont les autres professionnels de la santé et les physiothérapeutes dans ce plan ? Sachant que les conditions musculosquelettiques (maux de dos, arthrose et tendinites) représentent une des principales raisons de consultation médicale et coûtent des milliards de dollars par année à la société québécoise, les physiothérapeutes doivent faire partie de la solution.
La pratique avancée
En utilisant toute l’expertise des physiothérapeutes dans des corridors de soins ciblés, les bénéfices de ce décloisonnement des rôles cliniques ont été maintes fois démontrés dans plusieurs systèmes de santé à l’étranger.
Ces physiothérapeutes qu’on nomme physiothérapeutes en pratique avancée travaillent dans plusieurs contextes comme dans des groupes de médecine de famille, des urgences ou des cliniques spécialisées comme en orthopédie, en neurochirurgie ou en rhumatologie. Ils y évaluent et traitent différents patients en collaboration avec les médecins.
Ces physiothérapeutes sont capables de diagnostiquer, de prescrire des tests médicaux et certains médicaments. Les impacts de l’implantation de ces physiothérapeutes en pratique avancée sont majeurs : meilleur accès, meilleure qualité des soins, réduction de surprescriptions de médication (dont les opioïdes) et de tests d’imagerie coûteux.
Ultimement, on réussit à offrir des soins de qualité à plus de patients et à moindre coût. Comme pour l’utilisation des infirmières praticiennes spécialisées, ils sont une solution aux problèmes de notre système de santé ; leur utilisation doit être élargie.
Corporatisme médical
Dans les dernières années, des projets pilotes ont vu le jour au Québec, mais ils sont encore trop peu répandus, car le financement, le corporatisme médical ou les enjeux réglementaires en freinent le plein essor.
Si nous voulons améliorer l’accès aux soins de la population québécoise, le gouvernement doit agir clairement en créant et en finançant des postes ciblés pour ces physiothérapeutes en pratique avancée. Il doit aussi leur offrir plus d’autonomie dans les soins aux patients pour qu’ils puissent utiliser le plein potentiel de leurs compétences […].
Que ce soit en première ligne ou en soins spécialisés, plusieurs physiothérapeutes, professionnels de la santé, médecins et gestionnaires sont prêts à aller de l’avant. Le gouvernement a sous les yeux une solution innovante et simple à déployer et elle doit faire partie de son plan. Il doit faire preuve de leadership et coordonner des actions afin de financer et de pérenniser les initiatives locales déjà en place pour permettre un plein déploiement des physiothérapeutes en pratique avancée.
Les expériences à l’étranger nous démontrent que, de cette façon, nous pourrons soigner plus rapidement et plus efficacement la population, et ainsi apporter les changements nécessaires en santé au Québec.
Photo Agence QMI, Joël Lemay